De l'infaillibilité des prévisions météo...

Publié le par Guillaume

Dimanche 5 Juin 2005

De toutes façons, nous allons faire quelquechose ce dimanche. Une marche, avec, si possible, un peu de dénivelé. Entraînement de l'équipe « Pakistan » oblige. La veille j'ai jeté un œil sur les cartes, mais sans trouver de cîme à faire qui me convainc vraiment. Et puis Dani m'appelé, trente secondes avant que je sorte faire un tour en ville, pour me dire qu'Andrea lui avait suggéré de faire la Cima d'Asta dans le massif du Lagorai. Belle idée, j'adhère illico. Il suggère de la faire par le sud. J'aurais dû la faire cet hiver, avec le cours de ski de rando du CAI, par le nord, mais ça a foiré, car le couloir, passage obligé, était alors trop chargé en neige, et donc dangereux. Belle occasion de finalement faire ce sommet déjà convoité. Sauf qu'un coup d'œil sur la carte me montre tout de suite qu'un sentier au nord, qui fait toute la crête serait bien plus rigolo... Bref, on verra avec Dani... Je regarde les prévisions météo sur internet : beau temps, avec quelques nuages. Assez froid, surtout en altitude. Probabilités de précipitations et d'orages faibles. Royal !

Rendez-vous à 7h00 chez Dani, puis piazza San Giovanni pour récupérer le troisième larron, Francesco. On prend ma voiture. J'arrive à convaincre Dani de prendre la chose par le nord (c'est que l'avis de l'alpiniste et copain Andrea a presque valeur de parole d'Évangile !). La seule inconnue c'est la neige : si c'est tout enneigé, ça va être galère. On emmène piolet et crampons, au cas où. Je crois peu à rencontrer de la neige sur la crête, exposée sud-est. Au Soleil, donc. M'enfin, nous verrons bien. Après une paire d'heures de voiture, nous arrivons au départ. 1041 mètres d'altitude. Le sommet est à 2847 mètres. Va y avoir du sport !!

Les 200 premiers mètres se font sur une route forestière, puis le sentier « Col del Vento « attaque au milieu de troncs jetés là tels des mikados géants. Il nous faut enjamber ces rondins écorchés vifs, dont l'enivrante odeur parfume l'atmosphère. Le chaos de la coupe forestière laisse bientôt la place à l'apaisante beauté de la forêt, dans son état originel. Là, au bord du sentier, une vipère se met sur la défensive devant notre approche. La pauvre fût proprement dérangée pendant son bain de Soleil. Car il y a du Soleil. Pas mal de nuages, aussi, mais du Soleil et du ciel bleu. J'admire la précision des prévisions que j'ai eu la veille, et j'en vante les mérites auprès de mes compagnons. Le sentier serpente gentiment dans la forêt, superbement tracé, à la pente régulière, longeant là une belle fourmilière toute agitée, ici un pied de rodhodendrons. Petit à petit, nous nous élevons. La vue s'élargit. Les mélèzes se raréfient et laissent la place aux pins nains. Le sentier est taillé à coup de tronçonneuse au milieu du maquis formé par ces mêmes pins nains (i mughi). Il se raidit aussi. Et bientôt même les mughi laissent la place aux rochers, et à l'herbe rase.

Herbe rase parsemée de jolies fleurs, tapis de Gentianes de Koch, avec leur long tube, d'un bleu d'une intense profondeur, ouvert comme une offrande vers le ciel, Anémones jaunes citron au torse tout velu ou encore ces frèles Soldanelles regardant par terre, comme toutes intimidées derrière leur pâle corolle dentelée violette, qui fleurissent à peine la neige laisse place au tapis herbeux qui se remet tout doucement de son hibernation hivernale. J'adore ces Soldanelles, une superbe fleur, toute petite, toute mignonne... Pour un peu, je m'allongerais bien là, au Soleil, me mettre à leur hauteur, pour les contempler un peu. Mais mes compagnons ne le verraient pas d'un bon œil. Mes amis montagnards, ici, ne s'intéressent pas particulièrement à ces œuvres d'art que la nature nous offre. L'autre jour je suis tombé sur une orchidée particulièrement rare, le Sabot de Vénus, mais cela ne les a pas ému plus que ça... Alors, tant pis, je contemple et photographie dans mon coin.


Soldanelles

Gentianes de Koch



Lichens...


Le sentier se déroule tranquillement en suivant le flanc de l'arête. Parfois il grimpe raide dans les rochers, il faut mettre les mains. En contre-bas, le lac noir a senti le printemps : sa couche de glace se fracture doucement, dévoilant des reflets bleautés. Un névé n'a de cesse de se mirer dans l'eau à peine libérée de son couvercle hivernal. Un petit torrent se jette dans le lac en formant de belles ondulations concentriques qui courent sur la surface de l'eau libre. Et nous, nous regardons le spectacle de la nature d'en haut. Tandis que de l'autre côté de la crête, au nord, le brouillard s'élance vers le ciel en de larges volutes, comme une vague venant frapper la jetée. Nous prenons gentiment de l'altitude, et les premiers névés en travers du chemin pointent le bout de leur nez. Il fait trop chaud : la neige est trop molle, on s'y enfonce jusqu'aux cuisses. Francesco et moi sommes en short, c'est pas top, top. Heureusement j'ai pensé à prendre ma paire de guêtres. Et d'enfiler mes guêtres sur mes chaussures, toujours en short. Selon mes amis, le résultat vaut son pesant de cacahuètes ! N'empêche que Dani verra son pantalon vite trempé, et Francesco récolte la neige par le haut des chaussures. Ça vaut le coup d'avoir des pompes en gore-tex. Moi je dis qu'on s'en fout de ressembler à un je-ne-sais-quoi ! D'autant qu'il n'y a absolument personne d'autre ici. Alors les apparences...


Un sentier bien balisé !


Nous évoluons désormais entre rocher et neige jusqu'aux cuisses. Plus de verdure ni de petite fleurs. Un dernier rayon de Soleil me permet de faire une dernière photo d'un dernier petit bouquet de fleurs perdues dans une anfractuosité du rocher. Puis la grisaille prend définitivement possession des cieux. J'essaye de me faire le plus léger possible à chaque traversée de névé. Marcher sur des œufs, éviter de toucher le fond. La meilleure stratégie reste encore à les contourner au maximum par le rocher. Le sommet est en vue, quelques deux cents mètres plus haut. Tandis que nous avons bien entamé cette dernière pente, une averse de grésil nous prend par surprise. Bon, après tout, le grésil, ça ne mouille pas, alors... Sauf que d'habitude il est plutôt associé aux orages. Mais non, rien, pas de grondement inquiétant du côté du ciel. Bizarre. Il ne fait même pas froid, nous sommes toujours en short et petit pull léger. Arrivée au sommet après 4h50 de marche, 1900 mètres de dénivelés. Nous ne pouvons qu'imaginer la chaîne du Lagorai qui s'étend à l'ouest, les Pale di San Martino, au nord-est... Il tombe toujours ce grésil du ciel. Je m'apprête à manger un morceau quand Francesco voit les longs cheveux de Dani se dresser droit sur sa tête... Branle-bas de combat, descente au pas de course : la foudre pourrait bien ne pas être très loin. Et ce sommet est une cible toute tracée. Nous avec, si nous nous attardons. D'abord dans les rochers, puis sur la neige, c'est la retraite. Je m'éclate comme un gamin à descendre en glissant les névés. Mes amis sont moins enthousiates : Dani se caille les mains, et Francesco a déjà les pieds trempés. Et puis pourquoi la neige me porte mieux, moi ? Allez savoir...

La descente se poursuit par un autre chemin, qui descend directement au fond du vallon que nous avons surplombé à la montée. Nous nous échappons, fuyant une hypothétique foudre qui n'est jamais tombée. Mieux vaut ça que de se retrouver grillé par quelques millions de volts. Ce qui devait arriver arriva : les précipitations s'intensifièrent, et de solides passèrent à liquide. En peu de temps nous nous sommes retrouvés trempés. Bah, un peu plus ou un peu moins... J'expérimente les limites de ma veste qui n'est pas en gore-tex ! Et malgré tout, quand même, quand même, il se trouve que j'ai faim, moi ! Cette pluie n'a pas l'aire de vouloir s'arrêter. Alors c'est nous qui nous arrêtons. Nous pique-niquons sous le déluge, debouts, comme les chevaux, encapuchonnés dans nos anoraks. Moi, toujours en short avec mes guêtres, Francesco toujours en short sans guêtres, et Dani en pantalon trempé. Vite fait, quand même, parce que bon, hein, ça mouille, l'air de rien. Au menu, fruits secs, fruits confits (je suis passé au marché de Padoue la veille), et pain d'épice. Rassasiés, nous poursuivons notre descente.

Descente en zig-zags serrés dans un couloir large, mais un peu raide (d'où les zig-zags serrés du sentier). Puis, nous rejoignons le fond de la vallée. De là, c'est tout droit le long du torrent. Il ne pleut plus. Mais nous sommes dans les nuages. Et dès que nous entrons dans la forêt, nous pénétrons dans le brouillard par la même occasion. Une atmosphère fantasmagorique. Il fait sombre, humide, la végétation est envahissante, le brouillard cotonneux. De longues barbes de lichens pendouillent des branches de arbres. Nous sommes tout seul au milieu de cette forêt enchantée. Je serais à peine surpris de voir surgir un Elfe au milieu du sentier, petit lutin aux oreilles pointues, et aux doigts griffus. Il n'en sera rien, pourtant. Peut-être se sont-ils contentés de nous observer en silence, de loin...


Le sortilège du bois des brumes...


Plus loin, le torrent qui collecte toute cette eau pour la descendre vers la vallée, là-bas, en bas, le royaume des humains, gronde sourdement. Le sous-bois se fait plus sombre. Pourtant il n'est que cinq heures de l'après-midi. Il pleuviotte. Et nous arrivons sur le chemin forestier. Trace humaine. Quelques virages plus bas, un véhicule de garde-forestier nous rattrape et nous interpelle. Il cherchait les propriétaires de la voiture française, garée en bas. Il s'inquiétait, avec ce temps pourri. Ma foi, une petite pluie, ça ne fait pourtant de mal a personne. C'est la première âme qui vive que nous rencontrons, après les huit heures que nous avons passés en montagne, dans la solitude des grand espaces.


Un torrent surgit du néant !


Nous arrivons à la voiture, trempés, crottés, mais proprement... contents !

Publié dans montagne

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C
la montagne, ça me fout les frissons... de bonheur. Bon, c'est pas tout de me balader par ici, mais j'ai des copies... de Master2 a corriger!! a plus...Cecilia.
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