Caucase - « Approche motorisée »

Publié le par Guillaume

Samedi 7 avril 2007

Le grand jour du départ est arrivé. Vendredi 6 avril. Je ne dirais pas « enfin ! » parce que de toute façon, je n'ai absolument pas vu le temps s'écouler les semaines — mois — qui l'ont précédé. Il m'a fallu une journée pour faire mes bagages, tout peser, et recommencer jusqu'à ce que le poids de l'ensemble deviennent décent, sans oublié un truc essentiel. Vingt-trois kilos au maximum avec les skis (environ quatre kilos) et les chaussures (environ trois kilos), ça laisse peu de place au superflu. Et encore.

J'avoue que je me suis vaguement laissé porté par les évènements sur ce coup-là. Quand, en septembre dernier, Georges m'a proposé de venir avec lui skier dans le Caucase au printemps, j'étais partant, me disant que ça me ferait (re)voir ma géographie du monde. Enfin, pas uniquement pour ça, quand même, hein ! Ceci étant, il y en avait besoin : jetant un coup d'œil rapide sur mon atlas, j'ai pu situer la chose au sud de la Russie, entre la mer Noire à l'ouest et la mer Caspienne à l'est. Pour les détails, il ne fallait pas trop m'en demander. Je savais que c'était à proximité de l'Elbrus, un autre toit de l'Europe (5642 m). Quant à savoir si c'était en Russie ou en Géorgie, là j'atteignais mes limites !

Georges était allé skier dans le Caucase de l'ouest l'année dernière, et, séduit, il a voulu remettre ça. Malheureusement, contraint par mon enseignement je ne pouvais prendre des vacances qu'en même temps que mes étudiants, c'est-à-dire à Pâques. Et Georges de nous concocter une petite escapade caucasienne, dans le bon créneau ! J'en fus !

J'avais rendez-vous avec le reste du groupe à l'aéroport Charles de Gaulle à 22h. Nous avons pris le RER à Bures, vers 20h avec José. J'ai failli oublier ma pochette kangourou avec mes papiers chez moi, j'ai dû faire un aller-retour au sprint chez moi, ce qui m'a permit de prendre le train tout en sueur (mais avec billets d'avion et passeport). L'aventure commençait bien. Nous sommes arrivés à 21h30. Le gros de la troupe était déjà là, au Terminal 2. Une fois tout le monde là, nous avons enregistré skis et bagages. S'ensuivit une bonne paire d'heure d'attente dans le no man's land qui suit le passage de la douane et précéde l'embarquement. Ça bouquinait dur. Minuit vingt, embarquement pour Moscou, enfin. Minuit cinquante, décollage, comme prévu. Pas trop d'embouteillages sur les pistes à cette heure-là. À une heure trente, j'avais plus ou moins réussi à m'endormir, quand les hÔtesses me réveillent pour me servir à manger. Mon estomac criait tellement famine qu'il prit le pas sur l'envie de dormir, et j'avalais le maigre repas d'Aéroflot. Après quoi, j'ai somnolé jusqu'à l'atterrissage à Moscou à quatre heures du matin — six heures locales.

Transfert vers le terminal domestique par une navette de l'aéroport. Dehors, ça caille ! Arrivé devant le terminal en question, ça devient épique : queue pour pénétrer dans l'enceinte, passage sous les rayons X. Bardés de notre foutoir, nous traversons cette première épreuve non sans avoir assommé quelques russes au passage. Deuxième passage de rayons X, pour accéder au comptoir d'enregistrement. Là, la queue est dantesque. Et l'heure tourne. il nous reste une demi-heure avant le décollage. Ça devient serré. Au prix de quelques mécontents, nous passons devant tout le monde. Cette fois, il faut enlever les chaussures. Fouille en règle. Bon. Enregistrement. Je me demandais s'ils allaient découvrir que mon sac cabine faisait ses dix kilos... Mais non. Nous empruntons un bus pour rejoindre l'avion qui stationne sur le tarmac un peu plus loin. Il neige à gros flocons. Quand je vous disais qu'il faisait froid !

S'ensuivent un peu plus de deux heures de vol, vers le sud, jusqu'à Mineralnye Vody. Une petite ville thermale qui a connu son heure de gloire au temps des tsars. Avant d'amorcer son dernier virage sur l'aile, petite vue sur l'Elbruz, cône enneigé qui dépasse de la mer de nuages. Et puis, c'est l'atterrissage, vers midi. L'aéroport est minimaliste. Attente des bagages. Un seul chiotte dont la porte ne ferme pas à clefs. Pour sortir de là, vérification que les bagages correpondent aux numéros enregistrés. La première fois que je vois ça. Moi, ça ne correspond pas. Le gus finit par me laisser sortir. Dehors, nous retrouvons Andrey et Viktor, nos deux guides. Le premier baragouine le français, le second baragouine quelques mots d'anglais. Chargement de notre barda dans deux fourgons, et c'est parti pour quelques heures de route.

Le paysage qui défile par la fenêtre est saisissant. L'impression d'un pays peu développé est criade. Je pense à nos préoccupations écologiques occidentales du moment ; visiblement ce pays a bien d'autres chats à fouetter avant de s'occuper de ses bagnoles qui doivent consommer des litres de carburant au kilomètre ! Le réchauffement climatique est un truc de riches. L'abord immédiat des routes est jonché de détritus, les ruelles sont de terre battue. Les constructions semblent être faites de brics et de brocs. Au loin, des collines jaillissent ci et là de la plaine ; d'anciens volcans, un peu comme les collines Eugannéennes à Padoue, volcanisme qui confère son caractère thermal au patelin. Par endroit une vache traverse la route. Nous bifurquons à droite pour rallier la vallée du Baksan. Le paysage devient plus sauvage, mais le relief reste peu accentué, vallonné, parsemé d'herbe rase. Paysage de steppe. La rivière coule à droite de la route. Parfois nous croisons un village, à l'air misérable. Et pourtant, les gens que nous y croisons sont fringués à quatre épingles, en tailleur et escarpins pour les femmes, dans les chemins de terre qui naviguent entre les maisons.

Nous faisons un arrêt inespéré à Tyrnyauz, ancienne ville minière de montagne — 1300 mètres d'altitude — dont la propérité remonte aux temps du communisme, et qui, à la rentabilité probablement douteuse, n'a pas survécu à la pérestroïka. Les bâtiments de l'usine, murs de bétons aux allures fantômatiques tombent en ruines. Des immeubles d'habitation garnis de balcons sur lesquels pendouillent des myriades de couleurs, linge séchant au fil des courants d'air. Pendant l'arrêt technico-administratif, nous nous baladons dans cette ville étrange. Une ville qui s'écaille peu à peu avec les ans. Combien de temps les immeubles d'habitation vont-ils encore se dresser vers le ciel avant de plonger vers la terre ? Un petit tour, pour se dégourdir les jambes, et croiser deux, trois âmes qui vivent, quand même, et nous repartons. La route grimpe encore un peu, le long de la rivière, tout en suivant une étonnante canalisation qui serpente parfois bizarrement entre les rochers. Un gazoduc, paraît-il...

Et puis les deux minibus s'engagent sur une petite route à gauche. Au bout de cinq cents mètres, nous nous arrêtons. Fin du voyage ? Non, pas tout à fait ! Devant nous un mur, paré d'un gigantesque monte-charge. À côté, la rivière Adyrsu s'écoule dans des gorges profondes. Nous changeons de véhicule pour remonter cette ultime vallée. Un camion 4x4, transport de troupe de l'ex-URSS, finit par arriver. Les sacs et les skis sont empilés dedans, sous la bâche. Et une fois franchi le verrou à l'aide du monte-charge, c'est à notre tour de nous empiler dedans. Le chauffeur est un rustre, et nous sommes secoués comme des pruniers. Mais qu'est-ce qu'on se marre ! En ce qui me concerne, c'est une première. Normal, je n'ai pas fait un service militaire « régulier », je ne suis pas habitué à ce genre de sport. D'ailleurs, nous parcourons à peine trois mètres, que deux soldats armés nous barrent le chemin. Ils veulent voir nos passeports. Enfin, pas seulement voir, car ils notent plein de choses dans un cahier, pour chacun d'entre nous. Ça prend des plombes. Le chauffeur en profite pour bidouiller la boîte de vitesse de son bolide. Et puis, finalement, le rodéo redémarre. On se marre bien, mais on se prend tous les gaz d'échappement dans la gueule, et quand même, au bout d'une heure de ce régime, c'est déjà nettement moins drôle ! Heureusement nous finissons par arriver à destination. C'est à moitié asphyxiés et le coccys endolori que nous sautons sur la terre ferme. Il est 17h30. Les œufs qui sont montés avec nous sont intacts. Ouf ! Parce que c'est qu'il fait faim...

Le refuge Ullutau gît sur le bord d'un grand replat dans la vallée, à l'ombre du sous-bois, à 2350 mètres d'altitude. C'est une construction de bois peint très jolie. Autrefois le chalet des guides du camp d'alpinistes qui se trouve à quelques centaines de mètres de là. Nous avons droit à des chambres de deux, trois ou quatre, lits individuels et grosses couettes. Grand luxe. Je partage ma chambre avec José, et le temps de constater qu'il y pleut — une plaque de glace s'égoutte doucement juste au-dessus dans la soupente —, de changer de chambre en montant d'un étage, et c'est l'heure de la soupe.

Dîner excellent bien qu'un peu frugal au goût de certain, qui, comme moi, n'ont pas avalé grand-chose en vingt heures de voyage : les petites collations dans les avions sont vraiment... petites ! À part nous — quatorze gumistes et cafistes, un autre groupe composé semble-t-il d'allemands et d'anglais (?) squattent un tier du refuge. Ils attaquent le repas à la vodka.

Après un rapide topo sur les courses possibles et sur l'objectif du lendemain — ici, pas de topo, notre guide sera Viktor, qui sillonne le coin à skis de rando depuis plus d'une vingtaine d'années — nous allons nous coucher, fourbus, vers 20h00. Au beau milieu de la nuit nos chers voisins anglo-saxons montent se coucher avec pertes et fracas. Surtout fracas. Je dormais bien, c'est bête. Je me lève pour leur dire — en anglais, s'il vous plaît ! — ma façon de voir les choses. Ils sont complètement bourrés, et mon petit discours de derrière les fagos passe à la trappe. Je retourne me coucher et tente de faire abstraction des éclats de voix incohérents qui résonnent dans le couloir devant notre chambre, avec l'aide de bouchons d'oreilles. Inévitablement le bordel finit par s'estomper. Le calme revient. Et le sommeil avec.

À suivre...

Publié dans caucase

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
dis moi c'est pas un truc de riche pour rien le réchauffement climatique il me semble. La terre battue c'est plutot ce qui se fait de mieux en terme d'écologie ! (et je ne te parlerais pas de la conso de ton avions !)<br />
Répondre
G
Mouais, mais c'etait pas de la terre battue, justement : un bitume tout ce qu'il y a de plus occidental, avec peut-etre quelques nids de poules en sus. Et encore. Sauf les dix derniers km, terre non battue, dans un camion 4x4 qui devait boire autant qu'un avion ! Mais on etait pas loin d'une vingtaine dedans. Covoiturage !Ceci etant, tu as raison, prendre l'avion par les temps qui courent c'est pas le meilleur moyen d'aider la planete. En plus je vais recommencer cet ete... Et partir en montagne le week-end en car n'est pas non plus ce qu'il y a de plus neutre en terme d'environnement. Doit-on pour autant rester cloitrer chez soi ? Bah, bientot, je vais chauffer au bois (l'hiver) et recolter les legumes du jardin... Et prendre ma voiture tous les matins parce que je serais loin du RER ! Non, le velo plutot. M'enfin !
C
Et beh, ça à l'air épique tes vacances !Au moins tu n'as pas du t'ennuyer :)Par contre, je rêve ou le tapis de récupération des bagages avait une bordure rose ?????!!
Répondre
G
M'ennuyer ? Ca non ! Ca serait la pire chose qu'il puisse m'arriver pendant mes vacances !!Et la bordure du tapis a bagages etait rouge, certes, mais pas rose !!