Caucase - « La malédiction du tout en camion »

Publié le par Guillaume

Les épisodes précédents :
« Approche motorisée »
« Premières traces »
« La vallée des Merveilles »
« Neige et Brouillard »
« Premier sommet »
« Escapade géorgienne »


Vendredi 13 avril 2007

Aujourd'hui nous quittons le nid douillet du camp Ullutau pour traverser dans la vallée d'à côté, celle de l'Adylsu. Pour ce faire, deux cols sont possible : le Gumachi ou le Koiavgan. Dehors, il neige. Le Gumachi présente des passages techniques et se déroule en majorité sur glacier ; nous choisissons donc en accord avec notre guide Viktor la simplicité par le Koiavgan. Nos bagages ferons le tour par la route. C'est le club Med !

Départ à 7h24. Nous descendons la vallée de l'Adyrsu sur environ un kilomètre pour obliquer à gauche. Il a neigé pendant la nuit, nous sommes désormais habitués de ce replâtrage nocturne. Le ciel est vêtu d'un manteau de grisaille ; le sol revêt un habit de blancheur. Seul le fond de la vallée, au nord-ouest, est éclairé d'un coup de projecteur solaire qui rase le bas plafond. Tout le monde marque la pause pour immortaliser l'instant. Moi y compris !

 

 

S'ensuit la remontée d'un cône d'avalanches avec un beau dépôt d'avalanche dedans. Tout le monde déchausse pour franchir cet enchevêtrement de gros blocs de neige. Sauf moi. Je réussi à monter en skis dans ce capharnüm, mais je finis par déchausser moi aussi, pour passer un goulet verglacé par le passage de l'avalanche. Étroit goulet qui recueille tout ce qui déboule des faces alentours. Le passage me donne une bonne suée !

 

 

Le couloir se poursuit, et nous grimpons dans ce piège d'une conversion à l'autre, pour finalement rejoindre le socle de la vallée suspendue, large plateau plus accueillant. Le temps est définitivement pourri, la visibilité à peu près nulle. Il neige à gros flocons. Viktor, le seul à savoir à peu près par où passer dans cette purée de pois, reprend la tête. Je me place juste derrière, sur ses talons. Je pose mes pas dans les pas de mon prédécesseur. La longue caravanne s'ébranle et suit en silence. Je somnole, bercé par mes pas et le tac-tac-tac des fixations de Viktor. Depuis que je suis passé chez Dynafit, je peux savourer le silence de la neige qui tombe : terminé les tac-tac intempestifs de mes talons sur la fixation. Sauf quand je suis dans les talons d'un skieurs encore équipé de Diamir...

Viktor fait des petits pas, il ne tient pas à semer sa marmaille dans le brouillard. J'ai le nez dans ses tac-tac. À part cet égrenage du temps, rien. Le silence cotonneux de la neige qui tombe, parfois perturbé par une rafale de vent qui vient me glacer le visage. On n'y voit rien. Viktor, chemine dans le mauvais temps. Nous prenons pied sur un glacier sans nom. La couche de neige fraîche atteint une vingtaine de centimètres. Des avalanches commencent à descendre des parois vertigineuses qui semblent nous entourer. Des bruits sourds se font entendre, sans que l'on puisse pour autant distinguer quoi que ce soit.

J'ai quelques doutes sur la suite des évènements. L'accés au col se fait par une pente raide d'environ deux cents mètres. Est-ce bien raisonnable de s'y engager, par ce conditions ? Viktor, imperturbable, trace. Mais la rebelion gronde dans les rangs. Poursuivre nous semble vraiment une mauvaise idée. Notre guide finit par s'arrêter à l'abri d'un éperon rocheux. Demi-tour. D'autant qu'il n'est pas sûr que nous puissions descendre de l'autre côté, dans ce brouillard. Renoncer. Et opter ainsi pour une descente en camion « tape-cul », avec nos bagages. La chose que tous voulaient éviter. Mais la montagne en a décidé autrement.

Descente tranquille jusqu'au sommet du goulet, passage de l'avalanche plutôt « sport », et puis nous nous retrouvons au bord de la route pour attendre le camion qui descend nos sacs. Après avoir mangé un morceau, plutôt que de poireauter comme ça, nous sommes quelques-uns à partir devant, à pieds, le long de la route. Ça sera toujours ça de « tape-cul » en moins ! D'autant que la balade est sympathique. Le camion nous rejoint. Descente beaucoup moisn rigolote que la montée, l'effet « découverte » n'est plus de mise, nous savons désormais ce qui nous attend, et ça nous fait moins rigoler !

Nous arrivons finalement au sommet du monte-charge. Dans le camion, descendait vers la civilisation la jeune serveuse du refuge, toujours fringuée à quatre épingles, comme au refuge, d'ailleurs, avec des bottes blanches à talons aiguilles du plus étrange effet dans cette cambrousse reculée ! Nos deux bidasses de l'aller sont là, sans pour autant nous chercher des noises. Nous attendons une bonne demi-heure l'opérateur du monte-charge, qui doit nous permettre de descendre d'un étage. Enfin, franchement, nous aurions bien pu descendre notre barda à pieds. Mais bon, comme nous n'étions pas particulièrement pressés, autant faire les choses dans les règles de l'art... russe !

 

 

Nous troquons notre « tape-cul » contre un minibus infiniment plus comfortable. Nous remontons par la route la vallée du Baksan, vers les stations de ski qui sont au pied de l'Elbrus. Nous nous arrêtons à Cheget, l'une des deux stations de ski de la vallée, histoire de manger un morceau avant de rejoindre le camp Elbrus dans une vallée confluente, parallèle à celle que nous venons de quitter, la vallée de l'Adylsu.

En France les stations de ski rivalisent toutes de mocheté, verrues invariablement accrochées aux flancs des montagnes. Mais alors celle-là est tout simplement hideuse. Trois pelés et un tondu qui squattent une plaque de neige sale au beau milieu d'une prairie boueuse. Un parking boueux, des bâtiments dignes du plus pur style stalinien ; un petit marché local tente désespérément de mettre quelque couleur dans la grisaille ambiante. Il neige toujours, ce qui n'aide pas à décoller cette impression de ghetto qui attrape le visiteur. Nous nous retrouvons tous attablés dans un troquet pour déguster une spécialité locale dont j'ai oublié le nom, brochette de viande revivifiante, dont le seul inconvénient serait un arrière goût de trop peu...

 

 

Nous repartons, pour remonter dans la vallée de l'Adylsu, affluente de celle du Baksan, jusqu'au camp Elbrus, autre camp d'alpinistes estival, qui fleurissaient dans le Caucase au temps de la belle saison du communisme. Sauf que le camp, immense, coloré, fait grise mine. Nous sommes ses seuls hôtes. La froideur du lieu nous saute à la gorge. Même si là, contrairement au camp Ullutau, la douche coule chaude. En revanche, les repas, pris dans une immense salle glaciale, n'ont rien à voir. Vivement demain que l'on rechausse les skis !

À suivre...


D'autres images.

Le topo sur Camp2Camp : Mestia-Tau: Par le glacier de l'Adyrsu et l'arête SW.

Publié dans caucase

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C
Eh beh, c'est vraiment épique ces vacances !!!!
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G
Epique, pas tant que ca, tout etait prevu et organise. Une sorte de club Med, en somme :-)